Responsable Marketing de la Direction Entreprises et Carrières à l’EDHEC, Emmanuel Delamarre s’attache entre autres à opérer le rapprochement entre les entreprises et les étudiants mais aussi à accompagner les employeurs dans leur communication auprès des jeunes. Pour le blog Business Diversity, il revient sur sa vision du concept de marque employeur et sur les meilleures manières d’utiliser les outils à la disposition de la Com RH.
Que pensez-vous du concept de marque employeur ?
La marque employeur a clairement un côté « Monsieur Jourdain ». On est venu mettre des mots sur des usages existants. A mon sens, la problématique réelle des entreprises en matière de Com employeur est leur capacité à refléter la réalité des métiers et des carrières tels qu’ils sont vécus par les collaborateurs. On note trop souvent un décalage entre la Com externe et la réalité interne.
De plus, les entreprises possèdent de nombreux et beaux outils pour apparaître comme des employeurs attractifs. Mais se posent-ils réellement les bonnes questions au moment de construire leurs messages ? S’interrogent-ils sur la réalité de leur image corporate et de leur business ? Sur la vie de leurs collaborateurs ? Leurs valeurs ? Souvent, on assiste à une idéalisation de la vie des salariés à travers une Com très marketée dont la vocation principale est de séduire sans prendre en compte les risques liés aux syndromes déceptifs. En effet, une des principales causes de départ des jeunes collaborateurs est le résultat d’un décalage entre la promesse employeur et la réalité de leurs métiers.
Comment éviter ce syndrome déceptif ?
Il est nécessaire de construire une marque employeur fidèle à la réalité de l’entreprise, de ses métiers et du ressenti de ses collaborateurs. Et bien sûr de joindre la parole aux actes. Sur les réseaux sociaux, il faut permettre aux salariés de s’exprimer sur leur expérience terrain et de témoigner sur leurs métiers, leurs carrières… Les candidats ont un fort besoin d’authentique. Je donne systématiquement comme conseil aux entreprises qui approchent les étudiants de se présenter avec des collaborateurs sortis récemment de l’école qui vont parler de leur vécu. Ces derniers utilisent généralement des mots et des expressions qui parlent réellement aux jeunes.
Comment construire une stratégie de Com employeur pertinente ? Qui doit piloter ce projet ?
Il me paraît évident que la marque employeur est attachée au département RH. Pourtant, son pilotage doit fortement impliquer la direction. Le sujet doit être débattu au sein des comités de direction et être diffusé plus largement dans l’entreprise. Dans une logique bottom-up, il s’agit d’une co-construction impliquant l’ensemble des équipes (à travers une perception de la réalité terrain) pour que le message employeur soit intégré et partagé par tous. Vous avez beau avoir une super politique marque employeur, si le manager ne partage pas cette vision, ça ne peut pas fonctionner !
Avez-vous des exemples de marque employeur réussie ?
Certaines entreprises sont très créatives. Dans la pure continuité de leur marque corpo, L’Oréal propose une Com recrutement vraiment séduisante. La manière dont ils font témoigner leurs collaborateurs et parlent de leurs métiers est à la fois transparente et sexy. On retrouve ainsi dans la stratégie de Com RH leur connaissance profonde des techniques marketing. Je me souviens de Leroy-Merlin sur un forum de l’EDHEC il y a quelques années. Leur stand était loin d’être génial mais ils sont arrivés avec une équipe de jeunes collaborateurs tous très souriants et rayonnants. Les étudiants sont naturellement allés vers eux. Rien n’est plus attractif que l’authentique !
La SocGen possède une marque employeur très intéressante. Ils impliquent leurs collaborateurs en tant que vecteurs de leur image sur les réseaux sociaux. Egalement, ils ont créé un vrai espace sur leur site corporate pour attirer des candidats différents : Handicap, quartiers défavorisés, par pays… On sent que leur but est d’attirer des collaborateurs qui se retrouvent dans leurs valeurs.
Que pensent les étudiants de la Com employeur des entreprises ?
Les étudiants, cette fameuse génération Y, sont des hyper-consommateurs dans le sens sociologique du terme. A ce titre, ils se considèrent volontiers comme des produits sur le marché de l’emploi. Ce qui ne les empêche pas d’être critiques à l’égard de la marque employeur, notamment parce qu’ils connaissent parfaitement les codes de la Com et du marketing. Ils sont à la fois dupes et pas dupes. Alors certes ils ont un socle de marques hyperconnues (en clair, il faut prendre les 20 premières boites du dernier classement Universum) mais ils s’intéressent aussi aux produits/services et aux valeurs d’un employeur.
Prenons l’exemple de Imerys, leader mondial sur les minerais et marque clairement inconnue chez les étudiants. Lors d’une présentation, il a suffi qu’ils disent travailler entre autres sur la conception du nez de la navette spatiale pour que les étudiants montrent un intérêt extrêmement vif pour leurs métiers. Le business d’une boite donne envie aux étudiants de travailler pour cette marque.
Dans une optique de Com employeur, quels outils déployer et comment ?
En amont il faut une stratégie employeur conçue en cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise. De cette stratégie découle une approche en terme de maillage d’outils. Aujourd’hui, l’entreprise dispose de nombreux outils pour diffuser sa marque employeur et ses offres. L’idée est de faire du cross-canal, soit disposer de canaux qui vont alimenter les autres et se répondre. Ces outils peuvent être un site corporate, des réseaux sociaux, des réseaux pros, des jobboards, des forums école…
L’efficacité du recrutement vient de la mise en réseaux. Lors d’une étude, nous avons pu établir que le premier vecteur par lequel les jeunes ont trouvé leur stage est les professeurs. Les deuxièmes et troisièmes sont la famille et les anciens Edhec. Pour une entreprise, c’est un peu la même chose. Elle doit travailler pour entretenir ses réseaux car c’est comme ça qu’elle va améliorer son recrutement !
Propos recueillis par @romaingiry
Jérémy Duris
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